Ce que j’essayais de trouver, ce matin, ce sont mes motivations profondes pour tout ce que je fais dans la vie, surtout les choses que j’estime importantes : par exemple la peinture. Pourquoi est-ce que je veux être reconnu et célèbre ? Est-ce pour gagner de l’argent, pour avoir l’impression d’être utile aux autres, pour prouver quelque chose à mes proches, pour mon plaisir, pour laisser quelque chose à la postérité, pour être respecté, honoré, estimé ? Il serait intéressant d’aller plus loin et plus en profondeur dans cette enquête. 

Hier, je me promenais du côté de l’université et me demandais ce que je recherchais, ce qui m’intéressait vraiment ou me faisait plaisir dans ce genre de promenade. Finalement, je ne trouve rien, je suis un peu comme un Martien : j’observe les gens comme des objets, de la même manière que je regarde les étalages des magasins ou des marchands ambulants, depuis un autre espace. Je passe vite, mon œil scrute pour trouver quelque chose, mais il ne trouve rien. Je me disais que quand je me promène à Annecy, ou ailleurs, c’est pareil. Et pourtant, j’ai besoin de ce genre de promenades solitaires. Pourquoi ? Pour une mystérieuse quête que je ne comprends pas moi-même ? Parfois, je cherche une chose bien précise et mon œil ne voit que cette chose, ou son absence. C’est rare, dans ces promenades, que je tombe sur quelque chose d’imprévu, de nouveau, d’inconnu, quelque chose qui ne soit pas déjà programmé sur une de mes listes.

Quand je voyage, c’est pareil. Il y a un certain nombre de choses que je veux voir, visiter, acheter. Et en dehors de ça, j’erre sans but. Je regarde, c’est sûr, et parfois je vois de belles choses, même des choses étonnantes ; mais je passe vite, car ce n’est pas vraiment ce que je cherche. Mais qu’est-ce que je cherche ? Un plaisir, une satisfaction, une idée, une révélation, une rencontre, un message… Tout ça, ou peut-être autre chose. Mais ce qui est sûr, c’est que je ne le trouve jamais ; jamais de cette manière, en tout cas. Car ce que je cherche ne se trouve sans doute pas dans le monde extérieur, dans le monde matériel, mais à l’intérieur. C’est pourquoi je n’ai plus très envie de voyager, de sortir, de voir des gens ; car je suis toujours déçu, frustré : j’ai l’impression de perdre mon temps, pour rien. En fait, tout existe déjà en moi, dans mon esprit, mon imagination, mon inspiration, mon inconscient ; alors pourquoi me promener dans le monde ? Même quand je me promène, d’ailleurs, je ne suis pas vraiment là : je suis en général dans mes pensées, qui sont plus riches que tous les étalages des rues. Le seul vrai besoin de sortir serait de partager, d’échanger, de donner ces richesses intérieures ; mais encore faudrait-il trouver ceux qui y seraient intéressés… 

20 décembre 1999, Chiang Mai