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Le culte du malheur

223 Busy Sunday at the Horse Show
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En Occident, il y a de nos jours une maladie des problèmes, de la souffrance, une attitude com­plètement négative qui crée finalement les malheurs, tant au niveau des individus que de la société. Pourtant les gens ont tout pour être heureux ; il n’y a pas de causes réelles, matérielles à leurs malheurs : ils ne sont que concepts et fantasmes créés par l’ego et l’ignorance. C’est une vaste psy­chose, tant individuelle que collective ; et finalement la réalité devient ces projections de l’esprit duel et conceptuel conditionné par l’ignorance de la vraie nature des choses (qui n’est ni bonne ni mauvaise). Et on assiste à un culte du malheur, des problèmes et de la morosité. Au lieu de recher­cher le bonheur, les gens s’attachent à leur malheur, et sont fiers d’être plus malheureux que leur voisin. Ils ne cessent de se plaindre et d’exhiber leurs problèmes et leur souffrance, comme si c’était un atout qui leur donnait droit à des privilèges supplémentaires, comme celui d’être mécontent, de se plaindre et de réclamer ; et le cycle recommence. Cela devient aussi une forme d’arrogance : les gens font du cinéma, jouent des rôles auxquels ils sont attachés, et cela autant vis-à-vis d’eux-mêmes que des autres. Ils ignorent leur vraie nature, authentique, simple et spontanée, et vivent celle de leur ego, fabriquée, compliquée et préméditée. Le cinéma de l’ego est la cause du karma et de la souffrance du samsara*, car c’est lui qui s’oppose au cours naturel des choses. C’est une mythomanie, ou mégalomanie, de la souffrance. Peut-être parce qu’en Occident – contrairement aux pays bouddhistes – la souffrance (dukkha*) n’est pas acceptée comme une donnée fondamentale, comme une caractéristique inhérente de l’existence, comme une Noble Vérité*. Elle est considérée comme un événement imprévisible et inopportun, qu’on prend soit comme un mal accablant dont on se plaint, soit comme une singularité qu’on exhibe avec fierté.


Samsara (pali) : littér. transmigration perpétuelle. Désigne le cycle des renaissances – le monde conditionné dans lequel nous vivons – qui, tant que nous n’en avons pas perçu la nature illusoire et le considérons comme la seule réalité, est comparé par le Bouddha à un océan de souffrance.

Dukkha (pali) : insatisfaction, imperfection, souffrance. Une des trois caractéristiques de l’existence et de tous les phénomènes, selon le bouddhisme. Les deux autres sont anicca (l’imper­manence) et anatta (l’impersonnalité). Il y a trois sortes de dukkha : le dukkha de la souffrance : la souffrance est douloureuse par elle-même ; le dukkha du plaisir : le plaisir n’est pas complètement satisfaisant parce qu’il contient l’incertitude de son accomplissement et de son prolongement, la crainte de sa cessation et la nature douloureuse de la lassitude et de la satiété qu’il ne manquera pas de produire ; et le dukkha inhérent à tous les phénomènes conditionnés.

* Quatre Nobles Vérités : ce sont les Vérités de la souffrance, de l’origine de la souffrance, de la cessation de la souffrance et de la voie conduisant à la cessation de la souffrance, ou Noble Voie Octuple. Les Quatre Nobles Vérités sont considérées comme la base de l’enseignement du Bouddha et sont reconnues comme telle par tous les bouddhistes.

 

25 juillet 1992, Paris

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